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Chapitre 04

Main page / «MAYA». Livre 1: Force mineure / Chapitre 04

Le contenu

    L’odeur du petit matin me saisit en m’enlevant de l’entassement chaotique des rêves, et ça devient tout de suite calme. Comment s’emparer de cet équilibre subtil, le petit pont cristallin entre le sommeil et la veille, le moment où des inquiétudes et des soucis n’existent pas encore, où les pensées sur la journée qui vient n’ont pas eu le temps de déferler dans l’esprit? Il parait que de tels instants sont le début du chemin dans un monde tout à fait différent, mais cet état est si instable… Me rendormir ou bien me réveiller? La réalité solide et habituelle attire si puissamment avec l’aimant des impressions que je n’ai pas de forces de résister à cette attirance… et je ne vois pas moi-même comment je me retrouve sur les planches en bois qui relient la maison d’hôte à celle des maîtres.

    Il fait soleil, il n’y a pas un nuage au ciel, mais il ne fait pas chaud du tout. L’automne doré… seulement pas aussi hâtif que chez nous, mais même ici cette grâce s’envole – si ce n’est pas dans l’hiver, dans la routine alors… la chasse au bonheur éternel ressemble à la chasse au fantôme. Le soleil velouté, une légère fraîcheur, le silence tintant magnifique, tellement en phase avec cette saison, – je réussis à attraper ce truc précieux et m’immerger au fond de ces sensations… ne serait-ce que pour pas longtemps…

    Shafi ne manque pas d’apparaître tout de suite. Un petit déjeuner léger, et je grimpe sur le toit, sous de grands arbres à la ramure luxueuse, dans la vieille chaise longue, qui, à part d’accueillir mon corps, emmêle mes pensées et sentiments, en faisant un ornement aux motifs saugrenus, aux humeurs de ceux qui rêvaient ici avant moi, et à l’histoire infiniment longue de ces endroits.

    «De quoi aurais-je encore besoin?» – je cajole cette idée et puis la laisse. Le calme ensoleillé, la poussière du temps … tout à coup l’inquiétude a apparu. Pourquoi? Soit une image quelconque essaye de se frayer un chemin dehors… soit le problème est dans le fait que le contentement et l’inquiétude est un couple fusionnel. Quand j’étais petite, en plain milieu des fêtes de Nouvel An ou d’un «anniversaire» j’étais brusquement saisie par la compréhension de la fin imminente de tout ça, les visages des gens cesseraient d’être crispés et souriants, les ampoules s’éteindraient, et le quotidien rugueux reprendrait le dessus. Je scrutais les adultes en me rendant compte que la fête était comme un masque de bienveillance sur leurs visages, ce n’était que sur la surface, tout était faux, mensonger. C’était tellement affreux que, en chassant immédiatement l’inquiétude étouffante, je me précipitais, à cor et à cri, chez mes copines pour continuer à faire la fête. Et maintenant où courir? Voilà je suis grande maintenant, plus guère d’illusion insouciante. La joie simple d’un automne doré, la gaîté pétillante d’une fête ou une placidité passive – tout ça ne peut être que repos momentané, une petite pause avant quelque chose d’insondablement plus captivant et grandiose.

    – Vous avez des projets pour aujourd’hui? – la tête de Shafi a apparu dans le passage menant sur le toit.

    – Et vous avez quelque chose à me proposer?

    – Oh, je peux vous proposer beaucoup! Il ne vous reste que choisir. («Que choisir»..! Dans ce «que choisir» est tout le sel de la vie). Je peux vous emmener dans la montagne, il y a trois endroits magnifiques à quelques heures de route d’ici – Goulmarg, Sonmarg et Pahalgam. Chacun est beau à sa manière, je conseillerais alors de les visiter tous les trois en commençant par n’importe lequel. D’ailleurs, pour aller dans les montagnes il faut partir très tôt le matin, aujourd’hui il vaut mieux donc aller se promener sur le lac dans une barque. Cela prendra environ six heures, vous verrez un grand parc floral. C’est une balade très intéressante.

    L’idée avec la barque me plait).

    Shafi a l’air d’aimer aussi le fait que je consentis si vite.

    – Alors tout de suite après le déjeuner un sikara (ainsi s’appellent les gondoles locales) vous attend.

    Malgré le jeu de la physionomie parfait du rôle d’un maître soucieux, il ne réussit pas de me leurrer par son aspect amical, même un imbécile comprendrait que, premièrement, il veut gagner de l’argent, j’aurais donc tort d’accepter tout simplement sa proposition sans rentrer dans les détails.

    – Ca ferait combien?

    (Hein, vu que la question l’a apparemment gêné, j’ai touché la cible).

    – Pour vous qui êtes mon invitée spéciale, ça coûtera seulement 30 dollars.

    Pas donné! Pour ce prix on peut acheter une excursion en Europe, bien que sans guide personnel et en car, mais quand même… Dois-je lui dire que je crois ce prix trop élevé, ou pas? Qu’est-ce qui se passe en lui? Il me semble que c’est du mécontentement entremêlé avec de la perplexité… probablement, il comprend à quoi je pense. Les peurs mises à part, je pense à mon argent, et en plus il faut surmonter le malaise – je veux construire ma vie moi-même, sans prendre, en obéissant aveuglement, ce que quelqu’un essaye de m’imposer.

    – Ce n’est pas bon marché. Et si l’on parlait d’une bonne réduction?

    Il faut lui rendre la justice, – il est bon comédien, il réussit finalement à m’attirer dans son jeu. Son visage se tord en une grimace morne, comme si la conversation le faisait souffrir, et à ce moment là je ressens un éclat successif de malaise et même la culpabilité de ne pas vouloir payer si cher.

    Plus tard, j’ai compris que c’était une combine favorite des indiens, lorsqu’ils veulent faire payer quelqu’un trois, ou même dix fois plus cher que le prix normal, en réponse à l’étonnement ou le mécontentement par le prix élevé ils expriment un étonnement ou mécontentement encore plus grands que l’interlocuteur, en démontrant ainsi que ce dernier aurait dû faire des cauchemars toute la nuit s’il croit qu’ils demandent un prix triplé, tandis qu’eux, ils font une réduction, et à ce moment là ils ne souhaitent pas eux-mêmes avoir affaire à une personne qui, un vrai goujat, n’a pas apprécié qu’on est allé à sa rencontre… Si l’on est en relations plus proches avec l’indien que ce que ont de simples passants l’un avec l’autre, il montrerait, le plus probablement, qu’il souffre du fait qu’il a très envie de faire une réduction, mais ne peut pas, que ce n’est pas du tout possible, et en souhaitant ne pas avoir à se culpabiliser, on accepte, le plus souvent, ses conditions faisant confiance à son «ami». C’est justement sur ce qu’ils comptent.

    – Mam, c’est déjà un prix spécial, croyez-moi. Vous pouvez, bien sûr, aller dehors, on vous proposera de diverses excursions, même moins chères, mais personne ne sait où l’on vous emmènera.

    Ca, c’est vrai! J’me suis tout de suite rappelé tous les cauchemars de Delhi, dont je n’espérais plus me sortir.

    – Croyez-moi et ne pensez pas que j’y gagne beaucoup. Je donne au maître du sikara la plus grande partie de l’argent, je paye le gondolier pour son travail, je paye la police une sorte d’impôt, à la fin il reste un peu, et maintenant dans ma famille il n’y a que moi qui travaille, vous devez savoir qu’ici c’est tout le temps la guerre. Avant, je vous aurais emmenée se balader au lac gratuitement, comme un ami… Je me sens si gênée de vous demander de l’argent, mais je n’ai pas de choix.

    Son discours, accompagné de la mimique adéquate, m’a impressionné, et je m’entends, comme de l’extérieur, consentir en disant que c’est le bonheur pour moi de pouvoir aider à sa grande famille. «Après tout, ça réconforte, même si je paye trop», – j’essaye de refouler au plus loin une vague sensation d’être trompée quand même, en plus du fait qu’on a joué sur les sentiments sans aucun scrupule.

    L’omelette n’est pas du tout celle à laquelle je suis habituée, – on a dû la préparer sans lait, tout simplement en cassant et mixant des œufs. Selon l’aspect, elle n’est pas bonne… mais le goût est bon! Je prends du chocolat chaud après, – et je précipite vers l’eau, le soleil, la solitude. Je mets dans mon sac à dos un agenda, un appareil photo, un tome de Krisnamurti, une bouteille d’eau – je suis prête pour le voyage.

    Le mot même «sikara» correspond à l’esprit général du voyage en question, pour lequel je dois payer un prix assez impressionnant selon les normes locales. Je me sens comme une fille d’un millionnaire autour de laquelle tourne le monde, vu son argent. Cela ne me procure point de joie particulière, puisque je n’ai pas de millions, et les indiens, ils ont tous de telles attentes comme si j’en avais.

    Cette fois-ci le gondolier ne ressemble pas du tout au celui d’hier – d’âge moyen, au regard révolté et à la bouche tordue dédaigneusement. Il essaye par tous les moyens de faire comprendre qu’il se fout de la misère dans laquelle il est obligé de vivre, qu’il n’a aucune piété envers moi à la différence des autres habitants du pays et qu’il est lui-même son maître, même s’il travaille pour quelqu’un. Dans ce défi – un malaise, une brisure, de la tension, comme s’il surveillait son chaque geste sans répit pour ne pas briser l’image construite avec tant d’application.

    Je n’ai pas envie de penser à cette personne. Je veux lire, rêver, me relaxer sur les coussins… Il est assis à l’avant du sikara, loin de moi, et moi, je me cache derrière les rideaux.

    J’ouvre mon agenda… dans mon enfance j’aimais sentir «le goût» des livres, ou plutôt l’odeur – il fallait ouvrir un livre et inhaler l’odeur entre les pages – certains sentaient le moisi, l’ennui, et d’autres – la joie de vivre, pleins de promesses, et maintenant comme si je revenais dans mon enfance en sentant machinalement les pages de l’agenda. J’ai déjà oublié ce que c’est – écrire tout simplement pour soi… je dissipe constamment le désir inopportun de donner une forme quelconque à ça, de le polir… mais je l’écris pour moi, que pour moi, ce n’est pas un article… quelle horreur… je n’y arrive pas… je n’arrive pas à laisser les pensées couler sur le papier, sans censure intempestive… hein… le métier de journaliste est pire que la prostitution …il faut tout apprendre de nouveau – la joie des mots simples, l’indépendance des caprices et préférences de l’éditeur et du consommateur. En étant parfaitement libre, je découvre soudainement que je ne peux pas me servir de ma liberté. Il faut faire un effort pour casser la stupeur officieuse, qui empêche les mots de s’ensuivre librement, portant c’est si simple – être sincère avec soi-même … simple… est-ce si simple? C’est même marrant… comment ça se peut…

    Toujours est-il que l’état l’un des plus tourmenté est le quotidien. A ces moments là (même pas des moments, des siècles!) on ne veut rien, sauf vouloir au moins quelque chose. Ce vide douloureux dont j’essaye de me sauver tout le temps quelque part, dans n’importe quelles impressions, il ne manque pas de me rattraper, souvent inattendu, et alors, en pleine action tout devient tout à coup terne et inintéressant. Et lorsque je comprends qu’aucune astuce ne peut éliminer cette grisaille, mon état devient très morose – comment continuer à vivre? Attendre que ça passe tout seul? Non… j’ai vu ce que ça donne – d’abord, on attend quelques heures, puis quelques jours, ensuite la dépression s’installe dont il y a deux issus – dans un asile psychiatrique ou bien au travail du matin au soir – c’est-à-dire un asile psychiatrique pareil. Il faut chercher une solution quelconque, car vivre là dedans n’est pas possible. Les gens vivent, certes, mais moi, – je n’ai pas envie de moisir vivante, je ne le veux pas. Il faut chercher une solution… Je ne veux pas vivre comme si tout était déjà examiné et connu depuis longtemps, comme si la fatalité inévitable du quotidien était prouvée, pourtant il est absolument clair que le monde à l’intérieur de nous reste un mystère, mais le plus affreux est qu’avec le temps ce mystère cesse d’être mystérieux et devient terne et banal, et avec chaque jour vécu je m’approche pas à pas à l’état d’une boule de triste grisaille. Et ma chair sera grise, et mon sang, le cerveau et le cœur … comment s’y résilier? Combien existait –il de révolutionnaires qui ont essayé de renverser le monde autour d’eux, qui ne se contentaient pas des discours et rêves de la liberté, il voulaient la liberté réelle, et où sont ces révolutionnaires qui ne se contenteraient pas des discours sur la liberté intérieure? Est-ce que tout est tellement sans espoir? Autrefois, on croyait que la Terre est plate, que l’atome est indivisible, qu’on ne peut pas voler, que les étoiles sont collées au ciel… mais cela n’empêchait pas de vivre, ni de respirer, ni d’aimer, quelle est enfin la différence – si elles sont collées ou attachées? Pourtant, cette grisaille même dont l’inévitabilité si affreusement intouchable, ce vide rattrapant tout et tout le monde sont des choses tout à fait différentes. La course éternelle, spasmodique, désespérée pour éviter l’ennui, la déception, la fatigue… N’est-ce pas la nature de l’homme? Toutes ces idées que changeront-elles?

    Je mets ma main dans l’eau, elle est tiède, noire et claire. A un demi mètre en dessous de la surface des algues épaisses et robustes poussent en s’élevant du fond vaseux, elles sont velues, effrayantes…

    Du coin d’œil j’aperçois une barque qui nous approche… ah! Combien il y a de fleurs là dedans! Un petit homme, presque noir, à l’air desséché tire sa barque en chevauchant sa main le long de la notre pour arriver à être en face de moi. En ne disant rien il tend dans sa main plusieurs bouquets en une fois, sans me laisser presque pas de choix – j’ai l’impression qu’ils sont sur le point de tomber si je ne tends pas mes mains pour les prendre. L’expression de son visage démontre la résolution de vendre les fleurs coûte que coûte, entremêlée avec la tristesse, comme s’il savait déjà qu’il avait perdu la bataille.

    Mes mains ont machinalement mû envers les fleurs, mais je me suis tout de suite arrêtée en secouant la tête.

    – Je n’ai pas besoin de fleurs.

    – Elles ne sont pas chères, mam.

    – Je n’en ai pas besoin, ni cher, ni pas cher, – à cet époque je ne savais pas encore qu’en Indes le meilleure moyen de se débarrasser de quelqu’un est tout simplement continuer à marcher sans se retourner, ni réagir de manière quelconque, car toute réaction sera interprétée comme une possibilité de prolonger le contact, ce qui veut dire une chance de vendre sa marchandise tout de même. Je faisais moi-même comme ça autrefois, lorsque, adolescente, je vendais des casquettes militaires et des montres de collections sur l’Arbat – j’étais si obstinée que j’étais capable de suivre un étranger à l’air gentil à travers tout l’Arbat en le suppliant d’acheter au moins quelque chose. D’habitude, l’affaire réussissait, cette astuce m’est bien connue donc, cependant des années plus tard elle est presque passée aux oubliettes.

    – Mam, ces fleurs sont votre bonheur. Aujourd’hui, c’est une grande fête, une très grande fête, faites une petite affaire pour ma famille, – il parlait l’anglais mauvais, mais le sens de ses paroles était bien compréhensible.

    J’ai jeté un coup d’œil en direction du gondolier dans l’espoir qu’il me protégera de cette sangsue, mais le gondolier avait l’air de faire équipe avec lui, puisqu’il regardait dans un autre sens et faisait semblant de ne rien remarquer. Les rames ne bougeaient pas, comme s’il avait l’intention d’y rester jusqu’à deuxième venue. Mais non, je t’aurai, je t’expliquerai qui est qui ici… quoi que ce soit désagréable de provoquer de l’antipathie de la part du vendeur des fleurs envers moi.

    – Je veux qu’on continue notre chemin!

    – Mam, ma famille priera pour vous, mam, regardez qu’elles sont belles,- le vendeur s’est agité, mais notre barque s’est décollée et nous sommes partis.

    Les émotions qui surviennent dans les situations comme ça ressemblent à celles qui apparaissent en écoutant des histoires sur des animaux sans abri – il existe même des amateurs qui font des refuges pour des chiens et des chats, ils sont rempli de pitié envers nos petits frères et croient sincèrement que le bonheur des chiens et des chats est entre quatre murs, sur un canapé confortable et aux toilettes chaudes. C’est même bizarre pourquoi ils ne remarquent pas combien il y a autour de corbeaux sans abri, combien de destins tout simplement détruits et perdus des moineaux, d’hérissons et de renards… Il n’y a pas de bêtise plus grande que d’humaniser les animaux, en leur souhaitant ce bonheur humain qui, d’ailleurs, n’a rendu aucune personne heureuse. Et la pitié envers les indiens est de même genre. Ces gens là choisissent eux-mêmes le mode de leur vie, et je ne pense plus aujourd’hui qu’ils sont victimes malheureuses des circonstances horribles. Pendant longtemps cela me brisait le coeur de voir de petits enfants indiens (comment les enfants sont incroyablement beaux en Indes!!) patauger dans les ravins mêmes d’égouts, dans les ordures, en se déplaçant à quatre pattes d’un gros tas de merde dans un autre, mais leurs visages ne font pas voir les souffrances que j’y rajoute automatiquement. Mais non, au contraire – ils sont souriants, vifs, on sent en eux la passion envers la tendresse. Et quand je prenais un bus ou un train, je voyais, les yeux écarquillés, les indiens à l’aspect décent, «cultivé», jeter sous leurs pieds des restes de la nourriture, des emballages, des épluchures et toute sorte d’ordure, de manière que vers la fin du voyage tout se noie dans le détritus, je commençais alors à comprendre doucement que c’était leur choix, ils vivent ainsi parce qu’ils le veulent.

    Allongée sur les coussins, je contemple les paysages qui s’étendent de tous les côtés et je ressens un plaisir presque physique du fait que mon regard ne se bute pas contre des murs et des entassements, et je peux scruter l’horizon sans obstacles. Il y a une centaine de mètres d’ici jusqu’aux berges, le long desquelles s’étend une route, et de rares voitures semblent irréelles de cette distance, de tailles des jouets. Une chaîne de moyenne montagne se déploie un peu plus loin et rejoint l’horizon. Par ci par là, sur des collines de petits beaux hôtels se situent. Autrefois, ils étaient remplis de touristes, mais maintenant ils se dressent, tels des monuments insensés au passé paisible. Jusqu’à maintenant je n’ai rencontré qu’un touriste ici – un japonais, mais j’ai eu la chance de tomber sur beaucoup d’habitants locaux, très soucieux de décrocher un touriste ou de gagner de l’argent sur lui, ou au moins le toucher et lui parler.

    A gauche, des péniches se tassent sur des îlots, et loin devant – rien, rien du tout, sauf des montagnes lointaines, couvertes de la brume à peine discernable.

    (Et si demain j’allais à Sonmarg…) Tout ramène à ça – le désir flou, mais persistant de retrouver, enfin, l’endroit qui me plairait vraiment. Peut être là bas…

    Encore une barque, qui aura surgi de l’eau, se dirige vers nous. Va-t-on me touiller encore?! Du repos je voulais, ayant acheté l’excursion et en me taillant au lac… L’irritation qui était sur le point de se manifester a disparu quand je n’ai vu que deux fillettes dans la barque. Une toute petite, – de pas plus que cinq ans, apparemment… et l’aînée… douze ans? Hein, quels yeux… la petite n’a pas du tout l’air d’un enfant, qui aurait besoin d’assistance. D’abord, en voyant une créature aussi fragile, j’ai ressenti, comme d’habitude, quelque chose d’ordre d’attendrissement, puis j’ai trébuché en butant contre son regard – lourd, comme chez les femmes adultes. Bien… selon toute apparence, tout est absolument différent ici, et même les enfants ne ressemblent pas aux enfants. Sans aucun geste, ni mouvement, chacune dans sa barque, on s’approche lentement, mais juste au moment où les bords se cognent, la fille aînée jette sur mes genoux, d’un geste brusque et imperceptible, une fleur de lotus grande et humide, et à cet instant là il n’y a pas encore un ombre de soupçon que cela puisse se tourner en malheur quelconque. Je fais un grand sourire en me disant que j’ai dû plaire aux fillettes, si elles me saluent de telle manière. Ayant vu mon sourire, la fillette a soudainement montré ses dents, tel un carnassier, et attrapé le bord de notre barque comme une petite bête tenace qui n’a pas l’intention de la lâcher pour rien au monde.

    – Hundred roupies, mam! – a-t-elle demandé en tendant sa main si autoritairement qu’elle a failli me frapper les mains.

    – Quoi? Cent roupies?? (Est-ce que j’ai l’air d’une conne?) Allez, prend tes fleurs…

    Agacée, j’essaye de lui rendre la fleur, mais elle la repousse avec force. Quelles manières…

    – Eh, copine, je ne veux pas de ta fleur!

    – Mais vous l’avez déjà prise! – la fillette s’est transformée en hibou qui a attrapé une souris et la tient dans ses griffes, son regard est froid, le ton est impératif.

    – Je l’ai prise??? Tu me l’as lancée, tu as oublié, ou quoi?

    – Mam, vous avez pris la fleur, maintenant il faut la payer. Cette fleur est sacrée. Vous devez l’acheter.

    – Je ne dois rien! Prend-la maintenant, sinon je la jette, – je fais un geste fulminant pour lui montrer que je vais lancer la fleur loin dans l’eau, mais j’ai eu peur de le faire – et si elle se casse? Elle demanderait de l’argent deux fois plus énergiquement.

    J’appelle le gondolier au secours, mais ce porc me dit, l’air presque dédaigneux, que comme j’ai pris la fleur, je dois payer, – telles sont les mœurs locales. En commençant à lui expliquer que je n’ai rien pris, je me sens comme une idiote qui cherche à se justifier devant un grand monsieur. J’aurais pu leur faire peur en évoquant la police, car c’est un vrai braquage, mais j’étais toute désorientée… Bon débarras, je vais payer le minimum… un dollar te suffira? Tiens cinquante roupies et dégage. On m’a eue quand même comme une imbécile, comme une conne… Et en plus, il s’y ajoute le malaise restant à la traîne – vis-à-vis le gondolier et même les fillettes qui m’ont grugée!

    Ras-le-bol. J’en ai assez. J’exige du gondolier qu’il ait affaire aux marchands lui-même sans les laisser m’approcher, ne serait-ce qu’un tout petit peu, en menaçant de me plaindre au «chef» si encore une fois j’ai à me battre pour mon espace personnel, et lorsqu’une demi-heure plus tard des flibustiers botanistes suivants brillent pas loin de nous, il gesticule vivement avec ses bras en criant quelque chose, et leur barque nous contourne.

    Le clapotement des rames, l’eau coulant dans mes paumes, les mains immobiles au dessus de l’eau, les pensées glissant hors des mains… le temps coule par à-coup, tantôt se figeant comme un nuage transparent, tantôt se frayant le chemin comme un ruisseau. Ils parlent cependant … c’est certain, ils se parlent! – les corbeaux qui volent au dessus de ma tête. Dans une heure ou deux un grand jardin, grimpant le versant avec ses larges marches, apparaît à droite. Il faut se dégourdir les jambes… je descend du sikara et tout mouvement sur le rivage se calme un peu se retournant pour me voir. Je longe le quai, paralysée par l’attention déraisonnable et inhabituelle de tous les sexes et âges. Pourquoi les têtes des femmes sont couvertes de foulards? Pourquoi en me voyant cachent-elles leurs visages toutes gênées? Certaines me tournent même le dos, en souriant soit par l’embarras, soit parce que mon apparence leur parait ridicule. Qui sait… Mais non, je ne dirais pas que j’aie quel que chose de marrant sur moi, – un pantalon et une chemise en tissu léger, mais opaque, tout est propre (peut-être la raison est là?:), tout est conforme aux coutumes locales, d’après ce que j’en sais… Mais enfin, pourquoi je me prends la tête! Qu’est-ce que j’en ai à faire que ces gens rient pour une raison quelconque? J’essaye obstinément de me persuader que tout ça est sans importance, et je continue mon chemin en repoussant mon inquiétude en arrière plan.

    Le long des rangs de marchandise les indiens appartenant au «middle class» extrêmement peu nombreux de ce pays se pavanent langoureusement. Qu’est-ce qu’ils sont habillés de façon ridicule! Sur le fond des foules de clochards, dont l’Indes est pleine, ils ont l’air imposant en faisant la démonstration sur tous les coins de leur dignité ventrue. Tels les enfants… ils ont été autorisés à jouer aux adultes et tout ce qu’ils peuvent c’est afficher de manière caricaturale leur propre importance, pourtant ça se voit que c’est de l’emprunté, rien de valable derrière. Aucun polissage de cette autosuffisance sociale qui est propre à la plupart d’européens issus de la classe moyenne ne s’observe pas chez eux, que le désir infantile de frimer. Quels visages vides… quels yeux déplaisants…

    Qu’est-ce qu’il y a comme camelote rarissime! Tous les rangées en sont bourrées jusqu’au plafond – des jouets en plastique, breloques, miroirs, colliers, barrettes, tongs, cassettes, stylos, cadenas, robes en acrylique pour des petites filles, des plumes de paon, et ainsi de suite, et tout ça est de pire qualité qu’on puisse imaginer. Je dévisage bêtement une indienne dodue, habillée en sari de couleur rose très vif, avec un gilet bien usé aux motifs turcs, mis par dessus. Elle tripote affectueusement toute cette pacotille, ayant l’air de grande dame dans un salon joaillier. Ses cheveux noirs sont plaqués contre la tête avec quelque chose de gras (c’est dégoûtant…) et tressés, des dizaines de bracelets fins, claquant à chaque mouvement, sont pendus à ses poignets. Et alors – elle claque toute sa vie comme ça?? Le vernis de couleur très vive sur ses ongles pèle, des bagues en métal jaune brillent sur ses gros doigts… Qu’est-ce que je fais? La contrariété troublante c’est que, d’un côté, c’est désagréable à regarder, et de l’autre côté, c’est curieux. Et ce n’est pas que je prenne plaisir à noter tout ça, mais… c’est marrant quand même – le point rouge sur son front est un peu desquamé et à l’air de la peinture qui se détache, elle a du mal à bouger, quoi qu’elle soit encore jeune. Mais non, c’est qu’elle aime bouger ainsi! Zut, elles sont toutes ici comme ça! Sa démarche, c’est quelque chose … Tout comme des pingouins et non des femmes – en écartant les pointes des pieds, elles oscillent d’un côté à l’autre, comme si elles essayaient de laisser pendre le bidon devant elles entre les jambes. Et même les jeunes indiennes aisées, qui n’ont pas encore eu le temps d’accumuler du gras et des enfants, bougent de façon pareille. Une sensation tout à fait irrationnelle de la rencontre de l’avenir inévitable avec le présent – le ventre n’y est pas encore, mais il existe déjà dans la virtualité, il y a quelque chose de l’ordre de condamnation, et lorsque maintenant on me parle de l’héritage des génération, de la culture indienne qui date des milliers d’années, la première chose qui surgit dans mon esprit n’est pas un yogi, ni une statue de Siva, mais ce ventre là inexistant. Je n’arrive pas à imaginer une telle femme en train de courir ou danser, ou, en général, faire quel que chose de manière naturelle et spontanée. Apparemment, les pauvres se sont tellement greffées au seul endroit (la cuisine) où elles peuvent se sentir maîtresses au moins de quelque chose, que tout ce dont elles ont besoin dans la vie c’est apprendre à bouger entre la cuisinière et la table.

    L’image d’une belle fille indienne en sari aérien, venue des écrans de la salle obscure de mon enfance, n’existait en réalité que sur des emballages de savon.

    – Mam…

    Quoi encore? Un indien avec moustache en chemise délavée, laquelle, de toute évidence, a été blanche auparavant. Il me regarde servilement, et moi, de nouveau, je ne peux pas tourner le dos à une personne aussi inoffensive et souriante.

    – Est-ce possible de vous prendre en photo avec nous? Ma famille serait heureuse si vous consentez.

    Que faire? Je n’ai pas envie de me faire prendre en photo, mais faute d’avoir le temps d’inventer une excuse, je cède. Maintenant sa journée n’est pas perdue… tout excité, en gesticulant avec ses mains, il saisit par l’épaule une personne passant à côté, lui explique où et quand il faut appuyer, rassemble toute sa famille – la femme et deux enfants bien en chair (qu’est-ce que les enfants sont laids en Indes!), les positionne autour de moi de sorte sue je reste au premier plan, lève sa tête très haut en tordant sa bouche en un grand sourire et donne le signe – appuie sur le bouton! Après le clic, il me supplie de rester encore une seconde et, après s’être précipité pour embobiner la pellicule, reprend sa pose. Et le même tableau surréaliste, que la vue des silhouettes immobiles sur des barques s’approchant l’une de l’autre, survient – la femme et les enfants restent sans bouger tout ce temps là, tels les éléments en carton faisant partie du décor, comme s’ils se fichaient complètement de moi et de tout en général. Peut être dorment-ils? Cette fois ci l’indien a tendu son bras gauche présomptueusement et mis sa main droite sur son flanc, ressemblant à une caricature guerrière des BD dans de vieux journaux soviétiques. Peut être souhaite-il faire rire quelqu’un, en faisant une photo rigolo? Mais non… c’est sérieux, les gens qui nous entourent ne sourient pas…

    En rigolant et réfléchissant sur le sujet de leur connerie, je m’installe dans un café pour prendre du lassi – une sorte de boisson à base de yaourt battu dans l’eau.

    Non merci, pas de sucrerie – j’ai goûté les friandises sur la route de Delhi… mes dents s’en souviennent encore. De la glace, je n’en veux pas non plus, l’inscription «crédible à cent pourcent» ne m’inspire guère. Tout ce qui n’a pas eu de traitement thermique peut mettre dans un lit hospitalier avec la typhoïde ou pneumonie pour un mois. On n’arrête pas de me mater… – deux indiens, apparemment, ils envisagent faire connaissance avec moi. Rien que d’y penser me remue les tripes, je finis ma boisson et je m’en vais.

    Le jardin n’est pas beau d’ailleurs : de rares fleurs monotones et moches sont parsemées un peu partout. Le conduit en pierre orné de reliefs, dont s’écoule l’eau, est couvert de la mousse verte gluante et dégoûtante. Du gazon coupé à ras sur lequel des paons se promènent ayant l’air des personnages humains, et aucun étranger. Ce n’est pas drôle tout ça… ils ne font pas l’impression des gens en vacances, l’air est lourd. Et cet endroit ne me plait pas, je suis fatiguée – soit de cette observation ininterrompue et appliquée, soit du fait que dans tout le Cachemire je suis la touriste unique. J’en ai assez – je reviens dans ma barque.

    Je rejette vivement la proposition du gondolier de m’amener à la plantation des lotus. Une plantation … et des lotus…- encore un heurt de mes représentations fantaisistes de l’Indes avec l’iceberg du quotidien. Le plus fantaisistes sont mes attentes, le plus banal est la réalité. Peut-être ces attentes là gâchent-elles tout?

    Je refuse en même temps l’usine des mahatmas, l’entreprise de Kama-Sutra et le symposium des derviches, je veux tout simplement déjeuner et me promener là où il y a le moins de monde et le plus de nature.

    Dix ans en arrière, lorsque les foules de touristes enfumés faisaient l’assaut de Cachemire, mon Virgile a dû entendre quelque chose et, vu ses yeux brillants, il a ressenti une sorte de compréhension naturelle puisqu’il m’a amené sur un îlot minuscule où se trouvaient un temple, un immense arbre et un petit resto arrangé en bateau.

    Je grimpe sur le toit (depuis mon enfance j’adore les toits!) et je m’installe à l’ombre du grand arbre à la ramure luxueuse. C’est le moment le plus chaud de la journée et, naturellement, une lassitude apathique me saisit, j’ai envie de me délasser dans un fauteuil en détendant le cerveau jusqu’à l’état de bouillie. Parfois, si l’on ne cède pas en continuant à se tenir comme si l’on avait la plus grande pêche de la journée on réussit à se défaire de cette paresse, mais maintenant je n’y arrive pas. Pas de force pour quoi que ce soit, c’est la chaleur…

    On flotte quelque part encore… rien à dire – le coin est très pittoresque… «les rues» entre les maisons péniches sont si étroites que les cimes pendantes des arbres s’entrelacent, en formant au dessus de la tête un chapiteau vert étrangement tissé, avec la lumière du soleil passant à travers. De grands lotus roses se font entrevoir parmi des algues épaisses et de larges feuilles charnues et convexes… Apparemment, il y en a à peu près cinq. La partie ensoleillée de la journée s’achève, à six heures il commence à faire nuit en Indes. A ce moment, avant le crépuscule, une placidité particulière ondoie dans l’atmosphère, provoquant l’état qu’on a tellement envie de saisir en s’immobilisant, mais il file – entre les arbres, dans les vaguelettes sur l’eau, dans la fraîcheur du soir…

    Shafi… bien sûr, il est déjà planté sur le quai, le visage rayonnant de l’impatience d’entendre mes commentaires joyeux, mais aujourd’hui je ne suis plus une fille polie. Jouer en réponse à sa physionomie contente?…non, c’est odieux… je ne comprends pas comment il arrive à vivre comme ça… en marchant sur leurs propres pieds, en affectant tout le temps quelque chose… Mais est-ce possible que ce ne soit plus dégoûtant? Peut-être aiment-ils mener toutes ces conversations semblables au mâchement du papier toilettes? Deviendrais-je moi-même un jour comme ça, pour que ce soit égal pour moi – avec qui et de quoi parler? Brrr…, j’ai même sursauté en y pensant…

     

    – C’est un endroit formidable pour la méditation! – la voix à Shafi m’attrapé même sur le toit.

    C’est curieux que de savoir ce qu’il comprend sous le nom de méditation?

    – Et toi, tu fais la méditation?

    – Non, mam, je suis musulman, mais je sais que la méditation fait du bien.

    – Hein, comment tu le sais si tu ne le fais pas toi-même?

    – Beaucoup de personnes saintes le font ici, je sais donc que c’est très bien.

    – OK, Shafi, c’est ce que je vais faire maintenant, tu peux t’en occuper, que personne ne mette son nez ici, entendu?

    Je n’arrête pas de m’étonner que les gens soient infiniment loin de la lucidité quelconque, et même n’y aspirent guère… D’ailleurs, qu’est-ce qu’il y en a d’étonnant? Des êtres illuminés n’errent pas du tout en grandes quantités aux alentours, il ne faut pas m’étonner alors que je n’ai rencontré encore personne qui pourrait m’expliquer plus au moins intelligiblement ce qu’il entend en parlant de l’illumination, nirvana, Samadhi et du reste qui fait partie de «l’au-delà».

    Je suis enfin en sécurité sur le toit, – personne de l’extérieur ne viendra ici. C’est qu’ici que je me permets d’enlever la pression, comme si elle me défendait de quelque chose!

    Le chant monotone au loin ressemble à un appel désespéré et triste… Mais oui, c’est une fête religieuse aujourd’hui … mais quelle importance? Pourquoi je m’en suis souvenu?… Je ferme les yeux en essayant de calmer les pensées, je veux qu’elles disparaissent complètement pour un moment.

    Même un court laps de temps dans l’immobilité absolue peut amener des sensations assez étranges – la perception habituelle du corps physique commence à fondre. En ce moment je me sens en masse résistante, sans aucune forme, en mouvement constant – quelque chose s’enroule quelque part, s’écoule lentement d’un endroit à l’autre, chancelle d’un côté à l’autre, oscille en pendule, coule en bas… Le toit sous mes pieds se penche dans tous les sens et je suis sur le point de glisser… Et maintenant je suis sous le toit de manière qu’elle exerce de la pression sur moi…

    De tels phénomènes sont habituels pour moi, – ça m’arrive depuis le plus bas âge. J’ai essayé d’en parler avec mes parents, mes copines, et j’ai compris que personne ne ressent rien de tel. Tout ça ne me plaisait guère, car empêchait de dormir en mettant mal à l’aise, j’étais même en colère du fait que j n’arrivais pas à m’endormir normalement comme tout le monde, contrainte de faire partie des jeux bizarres de la nature. Puis, un intérêt de la recherche a apparu… Et si j’allais dans la montagne demain?

    – Shafi! Je veux aller dans la montagne demain!

    – C’est parfait, mam. Je vais être votre guide.

    Un rebondissement inattendu. Le gars est, bien sûr, serviable, mais la perspective de passer toute la journée avec lui ne me sourit pas.

    – Aurai-je besoin d’un guide par là? – j’essaye de poser cette question de manière qu’il ne comprenne pas pourquoi je la pose, et de nouveau un haut-le-cœur spécifique provenant de l’intoxication de l’insincérité survient.

    A quel point c’est écœurant de me préoccuper de l’opinion que chacun, rencontré par hasard ou pas, fait de moi! Je déteste cette impuissance, cela gâche tellement la vie… comme si une épine angulaire se coince quelque part à l’intérieur et après, essaie de la cracher, qu’avec du sang… et de plus, à cause de ça, je tombe inévitablement dans des situations qui ne me plaisent guère!

    – Mais, bien sûr, c’est la montagne, vous pouvez vous perdre par là.

    Le mot «montagne» m’impressionne de la sorte voulue par Shafi et me permet de justifier mon manque de volonté, – maintenant je peux m’y réconcilier en me disant que je n’avais pas de choix – c’est la montagne quand même…

    – Alors, demain, à six heures (six heures??? même ici on m’a attrapé avec ces griffes impitoyables!) un petit déjeuner vous attendra. Bonne nuit, mam.

     

    Des pas qui s’éloignent, le grincement de l’escalier, quelqu’un a fait kwa, on a ri quelque part –puis, silence… Quatre jours en Indes et il ne se passe rien! Où sont des sages, des maîtres, des lieux de force, des temples mystérieux? Le même quotidien que toujours, en plus de la pression constante… Les montagnes… Tout sera différent dans les montagnes.